Les lectures de Nag

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Tag - Littérature africaine

Fil des billets - Fil des commentaires

Soulfood Equatoriale, Léonora Miano

L'histoire: Cet ouvrage est un recueil de petites histoires toutes tournées vers la cuisine camerounaise. L'auteur nous fait partager son amour pour sa culture, l'importance de la nourriture dans la vie des habitants du Cameroun, du petit enfant qui chaparde un avocat à Florence qui, pour choisir entre 2 amoureux, leur fait cuisiner un plat typique...

Cet ouvrage n'a pas de construction vraiment apparente. Il s'agit d'histoires courtes, d'instants saisis par ci par là, tous concernant la gastronomie camerounaise et à travers celle ci, toute la culture de ce peuple. On s'y sent vraiment projeté, cela donne envie d'aller manger Camerounais mais également de parcourir les marchés, de goûter ce sandwich appelé "saxophone", de croiser ces jeunes filles en uniforme scolaire... Bref, l'auteur nous emmène avec elle dans son Cameroun natal, par petites touches, et on la suit avec plaisir... Le style est africain sans être difficile à lire, fluide... Dépaysement garanti!

Extrait :  « Le voici. Là, sous mes mains qui cherchent, dans le placard de la cuisine, le gros galet plat et sa petite pierre ronde. Une pierre dense et solide. Elle sert à écraser, une fois posés sur le galet, les ingrédients de la sauce qui me ramènera chez moi. Je la laisse épouser parfaitement le creux de ma main. Aussitôt, j’entends le clapotis de l’eau sur les rochers. Le chant des pêcheurs qui rapportent une moisson de soles à braiser pour les fines cuisinières de la côte. »




Allah n'est pas obligé, Ahmadou Kourouma

Allah n'est pas obligé d'être juste dans toutes les choses qu'il a créées ici bas... Voilà ce que n'arrête pas de répéter Birahima pour expliquer tout ses malheurs. Ahmadou Kourouma nous offre un roman superbe sur un enfant soldat, vrai, sans misérabilisme. Ce roman a notamment reçu le Prix Renaudot et le Prix Goncourt des Lycéens en 2000.


L'histoire: Birahima est un petit garçon ivoirien d'une dizaine d'années. Sa mère meurt et il part sur la route retrouver sa tante au Libéria. Peu à peu, il va devenir enfant soldat, pris dans une guerre qui ne le concerne pas, parce qu'il n'a pas le choix. Il va voir mourir d'autres enfants, voir la corruption des révolutionnaires qui ne se battent pas pour de beaux idéaux, connaître la drogue, la mort, l'horreur, jusqu'à ce qu'il retrouve un membre de sa famille et reprenne son état d'enfant. Au cours de ses aventures, Birahima est accompagné d'un dictionnaire qu'il ne lâche pas, pour mieux nous expliquer les choses...



Ce roman d'Amadou Kourouma est criant de réalisme, dérangeant même. On en apprend beaucoup sur les enfants soldats, la façon dont on les maîtrise, dont on les forme, dont on les violente. Mais le personnage principal ne tombe jamais dans le pathos. Il continue sa vie, malgré tout, avec un détachement qui veut tout dire.  Ce détachement se ressent complètement dans la narration, le ton est naturel, tel qu'on imaginerait un enfant africain parler. L'écriture est ponctuée de ce français d'Afrique, avec des expressions parfois drôles, une authenticité marquante.
J'ai énormément aimé ce roman, la langue m'a transportée en Afrique et j'ai été extrêmement émue par l'histoire de ces enfants. On ne peut pas l'être autrement. Mais il est vrai que l'écriture de Kourouma peut mettre mal à l'aise ou déplaire aux lecteurs tant elle est spécifique:
"Je décide le titre définitif et complet de mon blablabla est Allah n'est pas obligé d'être juste dans toutes ses choses ici-bas. Voilà. Je commence  à conter mes salades. Et d'abord... et un... M'appelle Birahima. Suis p'tit nègre. Pas parce que suis black et gosse. Non! Mais suis p'tit nègre parce que je parle mal le français. C'é comme ça. Même si on est grand, même vieux, même arabe, chinois, blanc, russe, même américain; si on parle mal le français, on dit on parle p'tit nègre, on est p'tit nègre quand même. Ça, c'est la loi du français de tous les jours qui veut ça... Et deux... Mon école n'est pas arrivée très loin; j'ai coupé cours élémentaire deux. J'ai quitté le banc parce que tout le monde a dit que l'école ne vaut plus rien, même pas le pet d'une vieille grand-mère. (C'est comme ça on dit en nègre noir africain indigène quand une chose ne vaut rien. On dit que ça vaut pas le pet d'une vieille grand-mère parce que le pet de la grand-mère foutue et malingre ne fait pas de bruit et ne sent pas très, très mauvais.)"